BlogPost
17.06.2024

Corruption : coûts climatiques et socio-économiques

La corruption engendre de nombreux dommages sur le plan sociétal, tels que la fracture du lien social, la diminution de la confiance dans les institutions et l'augmentation de l'injustice sociale. Le délit de corruption peut revêtir plusieurs formes : il peut concerner des fonctionnaires ou des agents publics, mais il peut également se manifester au sein des organisations internationales et dans le secteur privé. Selon l’OCDE, la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions internationales constitue l'une des principales formes de corruption.
BPCorruption

Comment définir la corruption ?

Selon Transparency International (TI), la corruption se définit comme l’abus de pouvoir à des fins privées. (1)

Pour L’AFA, l’Agence Française Anti-corruption, la corruption est un « comportement par lequel sont sollicités, acceptés, reçus, des offres, promesses, dons ou présents, proposés à des fins d’accomplissement ou d’abstention d’un acte, d’obtention de faveurs ou d’avantages particuliers. »

Le droit pénal français distingue la corruption active de la corruption passive. La corruption active concerne le corrupteur, tandis que la corruption passive concerne le corrompu. Ainsi, le corrompu accepte ou sollicite des promesses, des présents ou des dons, tandis que le corrupteur offre des présents, des dons ou fait des promesses. L’Agence Française Anti-corruption donne un exemple de corruption dans le secteur privé : un salarié est chargé de négocier les meilleurs tarifs auprès des fournisseurs de son employeur et obtient de fausses ristournes sur lesquelles il perçoit des commissions.

Quels sont les coûts de la corruption ?

1. Un coût économique
La corruption diminue les recettes de l’Etat. En effet, dans l’article, « Le coût de la corruption » (2) , les auteurs indiquent que « les recettes sont plus élevées dans les pays considérés comme moins corrompus (…) si tous les pays parvenaient à endiguer la corruption dans les mêmes proportions, ils pourraient récupérer 1 000 milliards de dollars de manque à gagner fiscal, soit 1,25 % du PIB mondial. »

En 2014, un rapport publié par l’OCDE « Rapport de l’OCDE sur la corruption transnationale – Une analyse de l’infraction de corruption d’agents publics étrangers » (3) révélait des chiffres édifiants : sur 224 affaires de pots-de-vin dans le cadre de corruption transnationale, le montant du pot-de-vin le plus élevé était de 1,4 milliards de dollars. La somme totale des pots-de-vins versés dans ces 224 affaires représentait quant à elle 3,1 milliards de dollars.

Comme beaucoup de délits financiers, la corruption est par nature opaque. Il est par conséquent extrêmement complexe d’estimer son coût réel avec précision. Dans son rapport « The Cost of Non- Europe in the area of Organised Crime and Corruption » de mars 2016 (4) , le parlement européen estime une large fourchette du coût de la corruption à l’Union européenne, à savoir entre 179 milliards d’euros et 990 milliards d’euros par an. En plus du coût économique, la corruption reste l’un des plus grands obstacles au développement social, climatique et démocratique.

2. Un coût climatique
La corruption a une incidence réelle sur le changement climatique. Jim Anderson(5) , dans « To tackle climate change, take on corruption », estime que « les coûts réels de la corruption engendrent une réponse inadéquate et lente aux catastrophes naturelles, qui augmentent en raison du changement climatique ». ». Cet extrait souligne l’impact significatif de la corruption dans les industries extractives, notamment en raison de l’importance des rentes, de la distance géographique des sites et des déséquilibres de pouvoir entre les parties prenantes et les décideurs. Ces facteurs créent un environnement propice à la corruption, où les dirigeants et les entreprises impliqués peuvent détourner les rentes à leur avantage. En outre, la corruption facilite l’évasion des réglementations et compromet les efforts de remise en état, ce qui aggrave les dommages environnementaux et accroît la surexploitation des ressources naturelles.

Il précise également que les pays dont les revenus dépendent économiquement des énergies fossiles peinent à diversifier leurs sources d’exportation en raison d’intérêts politiques, de la corruption endémique et du manque d’institutions juridiques et économiques solides. Dans son « Rapport mondial sur la corruption : le changement climatique » de 2011, l’ONG Transparency International alertait sur les principaux risques de corruption et autres infractions liés au climat, tout en appelant à une véritable gouvernance climatique responsable. L’ONG a également créé « L’Atlas des affaires de corruption liées au climat », qui répertorie les cas de corruption mondiale liée à la finance climatique. Cet Atlas fait partie du programme « Climate Governance Integrity Programme » de l’ONG.

L’Atlas se base sur des cas avérés de corruption liés au financement de l’action climatique et à la protection des forêts. Par exemple, il présente le cas d’un lanceur d’alerte du ministère de l’Environnement de la République démocratique du Congo, qui a accusé le secrétaire général du ministère d’avoir détourné près de 38 millions de dollars provenant des financements REDD+. Cette gouvernance climatique responsable ne peut avoir comme corolaire qu’une réelle gouvernance internationale : même si la corruption peut se faire à l’échelle nationale, elle est bien souvent un délit transfrontalier, qui ne s’arrête pas aux frontières administratives d’un Etat.

3. Un coût social et démocratique
La corruption impose également un lourd tribut sur le plan social. En effet, elle peut entraîner une baisse des investissements publics, notamment lorsque la corruption est institutionnalisée au niveau de l’État. Dans de tels cas, il existe un risque élevé que des pots-de-vin en faveur d’entreprises soient préférés de manière arbitraire aux projets et acteurs qui apportent une valeur réelle sur les plans économique et social. En outre, les conséquences sont dramatiques car non seulement ces pratiques entravent la génération de recettes publiques, mais elles affectent également de manière disproportionnée les populations déjà vulnérables. Cette diminution des ressources se traduit par une détérioration significative des services sociaux essentiels tels que la santé, l’éducation et les infrastructures. De plus, les scandales de corruption au sein du gouvernement affaiblissent les institutions et compromettent la stabilité politique de l’État.

Conclusion

En France, de nombreuses mesures législatives ont été adoptées, notamment la loi Sapin II visant à protéger les lanceurs d’alerte ; et plus récemment la loi du 21 mars 2022 qui renforce sa protection. Ces mesures essentielles adoptées au niveau national doivent être tout aussi ambitieuses à l’échelle internationale. Une coopération forte et fluide entre les pays est nécessaire, tout comme la mise en place continue d’instruments juridiques internationaux contraignants. La lutte contre la corruption nécessite une action coordonnée. Comme l’exprimait Martin Sadjik, représentant permanent de l’Autriche auprès des Nations Unies, dans son discours « Les Défis de la Lutte Contre la Corruption aux Niveaux National et International », « la corruption n’est pas seulement un problème national, mais aussi un problème international et transnational qui exige des solutions mondiales ».
Nous sommes tous concernés.

1 What is corruption? – Transparency.am
2 Le coût de la corruption (imf.org)
3 Rapport de l’OCDE sur la corruption transnationale | READ online (oecd-ilibrary.org)
4 https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2016/579319/EPRS_STU(2016)579319_EN.pdf
5 https://blogs.worldbank.org/climatechange/tackle-climate-change-take-corruption

photomariebpcorruption1
Marie MAJUA - Consultante Canopee
“ Diplômée de l’université et juriste en droit pénal financier et compliance, Marie est consultante en conformité fiscale. Elle intervient notamment sur le déploiement de l’obligation de reporting liée aux règlementations FATCA & AEOI. Marie est également grandement impliquée à titre personnel depuis des années sur des projets de bénévolat social, écologique ou sociétal. Y compris au sein du cabinet à travers ses actions pour promouvoir la politique RSE et l’Empowerment des collaboratrices Canopee. ”