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26.07.2024

Value at Risk et Expected Shortfall

VaRvsES

Introduction

La VaR (de l’anglais Value at Risk) et l’ES (de l’anglais Expected Shortfall) sont des notions utilisées généralement pour mesurer le risque de marché d’un portefeuille d’instruments financiers. La VaR a été introduite en 1980 par la banque Bakers Trust et a principalement été démocratisée par la banque JP Morgan dans les années 1990 grâce à son système de RiskMetrics. A probabilité donnée et horizon donné, elle correspond à la perte maximale qu’un investisseur pourrait subir sur la valeur d’un actif ou d’un portefeuille d’actifs. L’ES, quant à elle, a été introduite pour pallier aux lacunes de la VaR en y ajoutant la prise en compte de cas extrêmes. Elle est définie comme la moyenne des pertes au-delà d’un niveau de confiance donné. Là où la VAR pose la question « à quel point les choses peuvent-elles empirer ? », l’ES se demande « si les choses s’empirent, quelle est notre perte moyenne attendue ? »

 

Value at Risk

La VaR est une mesure qui permet de quantifier la perte financière potentielle au sein d’une entreprise, d’un portefeuille ou d’une position sur une période donnée et avec une probabilité α donnée. Par définition, la VaR est une fonction de distribution des gains et des pertes (P&L), du niveau de confiance α et d’un horizon temporel t. Par exemple, si la VaR à 95% (i.e. la VaR avec un niveau de confiance α = 5%) sur 30 jours d’un portefeuille est de 10 millions de dollars, cela signifie qu’il n’y a que 5% de chance que les pertes dépassent 10 millions de dollars en 30 jours.

Il existe trois méthodes pour estimer la VaR : la méthode paramétrique, la méthode de Monte Carlo et la méthode historique. Dans cet article, nous nous concentrons sur la méthode historique car il s’agit de la méthode la plus simple et la plus utilisée et qui consiste à déterminer la distribution de probabilité des gains et pertes de portefeuilles à partir des variations quotidiennes des paramètres de marché pertinents sur une période donnée. Plus concrètement, prenons l’exemple d’un portefeuille contenant un seul Swap de taux (Fixed Leg vs Float Leg USD-LIBOR-3M), et essayons d’estimer la VaR historique à 99% (α = 1%) sur 1 jour. Tout d’abord, nous identifions le taux LIBOR comme le paramètre de marché dont dépend notre portefeuille, et nous récupérons 300 scénarios, correspondant à un an d’observation, où chacun d’entre eux représente la variation du taux USD-LIBOR-3M entre le jour J et le J-1. Ensuite, nous revalorisons notre portefeuille sous chaque scénario, et nous obtenons ainsi autant de prix que de scénarios, et puis par différence avec la valeur initiale du portefeuille, nous obtenons la distribution de gains et pertes de portefeuille. Par conséquent, notre VaR historique correspondra au 3ème plus faible P&L (300 * 1% = 3). Pour mieux illustrer, si nos 3 pires scénarios de P&L sont [-400€, -370€, -300€], alors VaR = -300€.

 

 

Expected Shortfall

L’ES (autrement appelée CVaR, de l’anglais Conditionnal Value at Risk) est l’extension de la VaR et est définie comme la moyenne des pertes au-delà d’un niveau de confiance donné. En d’autres termes, elle correspond à un montant de pertes et quantifie le montant des pertes et capture la partie la plus extrême de la distribution des profits et des pertes (P&L). Tout comme la VaR, l’ES est une fonction de la distribution des gains et des pertes du portefeuille, du niveau confiance α et d’un horizon temporel t. Par exemple, si l’ES à 95% (α = 5%) sur 30 jours d’un portefeuille est de 10 millions de dollars, cela signifie qu’il n’existe que 5% de chance que la moyenne des pertes dépasse 10 millions de dollars en 30 jours.

Reprenons l’exemple précédemment utilisé pour la VaR historique. En effet, les étapes nécessaires à l’estimation de l’ES sont identiques à celles de la VaR. La seule différence est que, afin de calculer l’ES, il faut moyenner toutes les pertes au-delà du niveau de confiance plutôt que de se restreindre uniquement à la perte au niveau de confiance lui-même. C’est-à-dire que l’ES historique de notre exemple correspond à la moyenne des 3 plus faibles P&L (parmi les 300 scénarios), ainsi si nous reprenons les mêmes 3 pires scénarios de l’exemple précédent, ES = (- 400 – 370 – 300) / 3 = -356,66€.

 

Synthèse : Analyse critique et conclusion

Depuis leurs introductions, la perception de la VaR et de l’ES a évolué. Initialement considérées comme des mesures révolutionnaires pour évaluer et gérer les risques, elles ont depuis fait l’objet de critiques quant à leur capacité à anticiper des événements rares mais dévastateurs. Les récentes crises financières ont remis en question l’efficacité de ces mesures dans des contextes de turbulences extrêmes sur les marchés. Il est essentiel de noter que la VaR et l’ES présentent des limites : Elles sont basées sur des hypothèses concernant la distribution des rendements, qui peuvent être remises en cause dans des situations imprévues. Par conséquent, des critiques ont souligné que ces mesures pourraient ne pas être suffisamment adaptées pour évaluer les risques dans des scénarios extrêmes, comme observé lors de la crise financière de 2008.

Avec la complexification croissante et l’interconnexion des marchés financiers, il devient crucial d’explorer de nouvelles approches pour enrichir la VaR et l’ES. L’élaboration de modèles hybrides combinant diverses mesures de risque, accompagnée de l’adoption de méthodes avancées d’analyse des scénarios extrêmes, pourrait fournir une vision plus globale du risque financier dans un contexte en évolution constante. Il convient de noter que la gestion des risques en finance ne se restreint pas uniquement à l’utilisation de la VaR et de l’ES. D’autres méthodes ou des approches spécifiques au risque opérationnel, comme le modèle AMA (Advanced Measurement Approach), peuvent venir compléter ces mesures, offrant ainsi une approche plus étendue de la gestion des risques financiers.

Malgré ses limites, la VaR reste largement utilisée par les régulateurs car elle est une mesure de risque très importante, permettant aux investisseurs de quantifier le risque qu’ils sont prêts à assumer. Cependant, l’ES présente des avantages par rapport à la VaR, et par conséquent, de nombreuses institutions financières l’utilisent comme mesure de risque en interne.

 

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Ayman EL KAOUTAR - Consultant Canopee
“ Diplômé de l’ENSIMAG et d’un M2 en Analyse Quantitative, Ayman a eu l’occasion de travailler au sein de grandes banques d’investissement en tant que Développeur C#. Ayman a eu l’opportunité de participer au développement d’une des plus grandes applications de trading, au sein d’une équipe qui gère le Booking/Pricing/Analyse de risque des produits exotiques. Ayman est également Stream leader Formations au sein de nos Practices. Il coordonne le catalogue des formations internes. ”